#89F ITER: Le Directeur Général Fait une Fausse Déclaration sur le Réacteur à Fusion au Sénat Français

Nov 032021
 
Contredisant son service de relations publiques le même jour, Bernard Bigot, directeur général de l'organisation ITER, affirme que le réacteur est conçu pour une production nette de puissance avec un gain de 300 %

Contredisant son service de relations publiques le même jour, Bernard Bigot, directeur général de l’organisation ITER, affirme que le réacteur est conçu pour une production nette de puissance avec un gain de 300 %

Retour à la Page Principale ITER Power Facts

Par Steven B. Krivit
Nov. 3, 2011

Click here for the English version of this article.

Également publié aujourd’hui :
L’Organisation ITER Concède que le Réacteur N’est Pas Conçu pour Produire une Puissance Nette
Présentation de Bernard Bigot au Sénat Français – 3 Dernières Minutes


Le leader de la plus grande expérience de fusion au monde a faussement témoigné devant la commission des affaires économiques du Sénat français la semaine dernière.

Le 27 Oct. 2021, lors d’une audition de la Commission des Affaires Économiques du Sénat Français, Bernard Bigot a fait des déclarations fausses et exagérées sur la puissance attendue du réacteur ITER, le réacteur thermonucléaire expérimental international, en construction dans le sud de la France.

Monsieur Bigot, qui est un chimiste théoricien, a parlé lors de sa présentation de 40 minutes sur le changement climatique et l’épuisement des combustibles fossiles, a expliqué le concept de fusion nucléaire, puis a parlé d’ITER.

A la fin, Bigot a déclaré que, s’il vit assez longtemps, il verra le réacteur ITER produire 10 fois plus d’énergie qu’il n’en consommera :

Et c’est en 2035, si Dieu me prête vie, que je verrai, effectivement, dix fois plus d’énergie, qu’effectivement il n’en sera consommé.

Rien dans le libellé ou le contexte de la déclaration de M. Bigot n’a informé les sénateurs qu’il ne parlait que de la réaction physique. (Parce que les valeurs ITER sont toujours données en termes de mégawatts, le terme correct est puissance, non pas énergie.)

Après sa présentation, M. Bigot a répondu aux questions des sénateurs. Le sénateur français Christian Redon-Sarrazy a fait référence à l’affirmation de M. Bigot d’un gain de puissance du réacteur décuplé et a demandé des éclaircissements :

Le facteur d’amplification dont vous nous avez parlé tout à l’heure, qui est de dix, ne concernerait que la réaction elle-même et n’intégrerait pas l’ensemble de l’énergie totale nécessaire au fonctionnement global du projet. Donc, même si ces consommations peuvent dépendre de la configuration des systèmes utilisés pour chaque expérience, pouvez-vous nous donner une estimation crédible et actualisée de ces différentes consommations?

En réponse à cette question technique et précise du sénateur, M. Bigot a modifié sa réponse. Plutôt qu’un gain de puissance décuplé, a-t-il déclaré aux sénateurs, le réacteur global ITER devrait démontrer un gain de trois à cinq fois la puissance qu’il consommera. Les mots exacts de M. Bigot, tels que traduits du français, sont les suivants :

French: Je produis dix fois plus de chaleur avec le plasma que je n’en injecte pour maintenir sa température, par contre, j’ai des compresseurs, j’ai effectivement, tout un système de consommation d’énergie. Donc, in fine, actuellement, le rendement sera entre trois et cinq, three et five. Aujourd’hui, si je peux me permettre, ce réacteur se veut modeste, je crois qu’il est établi du point de vue de la physique, que le facteur dix est atteignable avec ITER.

Aucune de ses réponses n’était correcte. Le gain prévu pour l’ensemble du réacteur n’est pas de dix, ni de cinq, ni de trois, mais d’environ un.

Faits Sur la Puissance

New Energy Times a signalé pour la première fois que la conception d’ITER équivaut à  un gain de puissance de un, c’est à dire sans amplification de puissance, un réacteur à puissance nette nulle, il y a quatre ans.

ITER est conçu pour produire des réactions de fusion de 500 mégawatts de puissance thermique à partir de 50 mégawatts de puissance de chauffage qui seront injectés dans la chambre de réaction pour chauffer le combustible. C’est son principal objectif scientifique mesurable. (En fait l’énergie cinétique des particules produites pourrait être convertie en chaleur.)

Pour ce faire, le réacteur aura besoin de 500 mégawatts d’énergie électrique pour initier les réactions de fusion. Le réacteur aura besoin de 300 à 400 mégawatts de puissance électrique tout au long de l’expérience pour produire les réactions de fusion. Si le réacteur atteint son objectif scientifique, l’ensemble du réacteur ne produira pas de puissance nette ou ne démontrera pas de gain de puissance. Ainsi, ITER est une conception de réacteur à puissance nette nulle. Des citations et des références scientifiques sont disponibles sur la page Web ITER Power Research and Analysis du New Energy Times.

Demandé à Nouveau

Plus tard dans la discussion, le sénateur Franck Montaugé a posé une question similaire : « Quelles sont les vraies performances d’une installation industrielle comme celle-ci ? »

Bigot a expliqué que lorsqu’il parle d’un gain de puissance de 10, il ne parle que du gain physique, du gain plasma, pas du réacteur global. Pour le gain global du réacteur, M. Bigot a déclaré qu’il est conçu pour produire trois fois la puissance que le réacteur consommera :

Le rendement dont je parle c’est le rendement entre l’énergie injectée dans le plasma pour maintenir sa température de 150 millions afin d’assurer que le plasma va être auto-entretenu avec, donc, la contribution de l’hélium produit par la réaction de fusion et la production de chaleur. C’est un rapport de quantité de chaleur, de l’énergie injectée dans le plasma et produite par le plasma. Ce n’est qu’un composant du rendement total. Le rendement total, comme je l’ai évoqué, sur ITER, il sera de l’ordre de trois. Je produirai trois fois plus d’énergie que j’en consommerai globalement.

Ce n’est tout simplement pas vrai. Le réacteur devrait consommer 300 à 400 mégawatts de puissance électrique tout au long de l’expérience pour produire 500 MW de puissance thermique. Au mieux, c’est un gain de 1,6. Mais en tant que démonstration de capacité industrielle, la puissance thermique doit être calculée en tant que puissance électrique. Une puissance thermique de 500 MW équivaut à une puissance électrique de 200 MW électrique. C’est 100 MW de moins que ce que le réacteur consommera. Ainsi, à titre de démonstration industrielle, le réacteur ITER ne produirait aucun gain de puissance.

Le réacteur n’est pas conçu pour la démonstration des performances de fusion industrielle. Le problème, cependant, est que c’est exactement ce que les partisans de la fusion et du projet ITER revendiquent à propos d’ITER depuis plus de deux décennies.

En 1998, l’organisation ITER a affirmé sur son site Web qu’« ITER sera le premier réacteur à fusion à produire de l’énergie thermique au niveau d’une centrale électrique commerciale ». Dans un communiqué de presse du 6 Décembre 2017, l’organisation ITER a affirmé qu’ITER est “un projet visant à prouver que l’énergie de fusion peut être produite à une échelle commerciale”.

Donc, compte tenu de l’historique, la question du sénateur Montaugé était tout à fait appropriée. Par exemple, le journal français Le Parisien a dit à ses lecteurs ce que le site Web d’ITER avait dit :

Le Parisien, 5 Feb. 2019

Le Parisien, 5 Feb. 2019

Bigot savait

À la suite de ce que j’ai appris sur les besoins en puissance du prédécesseur d’ITER, le réacteur Joint European Torus en 2014, je savais que la valeur de 50 mégawatts revendiquée et universellement citée ne pouvait pas représenter le niveau de puissance d’entrée totale requise pour le réacteur ITER. J’ai écrit à M. Bigot au sujet des fausses allégations de puissance sur le site Web de son organisation le 1er mai 2017. Il n’a pas répondu. Son organisation n’a apporté aucune correction.

Le 6 Oct. 2017, après plusieurs mois d’enquête, avec l’aide des spécialistes de la fusion Daniel Jassby, Hartmut Zohm et Steve Cowley, j’ai publié mon analyse, dans laquelle j’expliquais que la spécification réelle du taux de puissance d’entrée pour le réacteur ITER était d’au moins 300 mégawatts. Mes recherches ont confirmé ce que j’avais trouvé sur le site Web du gouvernement Japonais : « ITER équivaut à peu près à un réacteur à puissance nette nulle, lorsque le plasma brûle. »

En Novembre 2017, M. Bigot et son organisation ont commencé à apporter des corrections sur le site Web de l’organisation ITER. En décembre, ils ont publié un communiqué de presse et omis leurs affirmations précédentes selon lesquelles le réacteur ITER était conçu pour ne consommer que 50 mégawatts de puissance d’entrée pour produire une puissance thermique de 500 mégawatts, un gain de dix fois.

Au lieu de cela, le communiqué de presse a déclaré que le réacteur ITER est conçu “pour prouver que l’énergie de fusion peut être produite à une échelle commerciale”. Avec un taux de sortie de puissance nette d’environ zéro, ITER, s’il prouve quelque chose, prouvera le contraire.

Au cours des mois suivants, après avoir contacté des organisations scientifiques, gouvernementales et industrielles internationales qui avaient également des allégations de puissance ITER fausses ou trompeuses sur leurs sites Web, elles ont également apporté des corrections.

Le 28 Mars 2018, j’ai signalé que M. Bigot avait fait des déclarations trompeuses lorsqu’il a témoigné devant des membres du Congrès américain. En quelques heures, l’organisation ITER a corrigé davantage de fausses allégations de fusion sur son site Web. (M. Bigot l’avait fait en 2016, également.)

J’ai de nouveau écrit à M. Bigot le 17 Juin 2018 et lui ai expliqué les déclarations et affirmations trompeuses restantes sur le site Web de l’organisation ITER. À ma connaissance, lui et son personnel n’ont apporté aucune autre correction.

Le 28 Juillet 2018, l’organisation dirigée par M. Bigot a publié un communiqué de presse contenant de fausses allégations :

Quelle puissance le tokamak ITER fournira-t-il ? La centrale d’ITER produira environ 500 mégawatts d’énergie thermique. S’il fonctionnait en continu et était connecté au réseau électrique, cela se traduirait par environ 200 mégawatts d’énergie électrique, suffisant pour environ 200 000 foyers.

C’est ce que le journal français Le Parisien a dit à ses lecteurs le même jour :

Le Parisien, July 28, 2020

Le Parisien, July 28, 2020

Après avoir écrit à M. Bigot et à deux membres de son équipe de relations publiques, ils ont supprimé ce communiqué de presse de leur site Web. J’ai expliqué les détails au bas de cette nouvelle.

L’organisation ITER n’a pas publié de correction au communiqué de presse.


Crédit d’aide à la transcription et à la traduction : M.Z. et Th.P.

 

© 2024 newenergytimes.net